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Les premières vagues de migrants
es premiers arrivants se sont installés dans la
région au rythme des glaciations et ont laissé quelques vestiges de leur
passage, essentiellement sur les plaines calcaires. Les plus anciens connus : -
700 000 ans, à Wimereux, quelques bifaces et rognons de silex à côté
d'ossements d'éléphants et d'hippopotames.
Plusieurs milliers de vestiges (ossements d'animaux d'époque froide, traces de feux et de déchets ménagers), dont deux crânes humains, témoignent de la persistance d'une implantation lors d'une période interglaciaire : c'est le fameux Homme de Biache, il y a 250 000 ans.
Les premières traces de l'homo-sapiens sont datées de 38 000 ans avant notre ère. La région était alors une steppe, peuplée de rennes. Les progrès seront lents, en agriculture et en métallurgie (premiers témoignages du Néolithique vers - 3 700), mais le sol fertile favorise des implantations durables (Mont-St-Loi, Wissant, Etrun, Mont-Noir, ...).
Vers 3 000 ans avant J.-C., le climat plus sec fait reculer la forêt et l'arrivée de nouvelles populations venues du sud provoque les premières guerres connues de l'histoire régionale. A l'âge de bronze, vers -1 500, on trouve la trace d'importants échanges interrégionaux, y compris avec la Grande-Bretagne.
L'ère celte
Un millénaire avant notre ère, de nouveaux venus de l'est de l'Europe amènent instruments aratoires et élevage de cheval, puis des Celtes de Bavière introduisent l'âge du fer dans la région.
Aux IIIe et IIe siècle avant J.-C., c'est au tour des Belges de s'installer. Bien qu'assimilés en partie au monde celte, ils conservent des idiomes et des habitudes de vie germaniques. Les groupements de peuple s'organisent de façon très lâches, mais établissent des frontières dont les traces persistent : Morins, Atrébates, Ménapiens, Nerviens. La région est occupée de manière relativement dense, même si la vie reste rurale. L'habitat est essentiellement ouvert (sans remparts défensifs), mis à part quelques oppida (cités fortifiées), comme Etrun, et Avesnelles, sans doute les capitales des Atrébates et des Nerviens. Une migration belge vers l'actuelle Grande-Bretagne contribue à tisser des liens culturels et économiques. La réputation de prospérité des territoires du nord attise la convoitise de César. Les batailles seront fréquentes et meurtrières. L'écrasement des Nerviens en -57 ne soumet pas toute la région à la pax romana. La résistance ne s'éteindra que peu à peu pour devenir définitive avec l'exil des irréductibles en Angleterre. La Belgique vaincue, dévastée, connaîtra le destin des frontières (les "Marches") de l'empire romain pendant 450 ans.
Les flux d'envahisseurs viendront désormais essentiellement de l'est. Ces nomades qui arrivent dans les régions maritimes touchent au bout du monde connu. Il leur faut s'adapter, s'intégrer aux populations sédentaires. La région s'enrichit particulièrement de ces différentes cultures.
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La pax romana
ux temps gallo-romains, la région est englobée dans
le vaste ensemble appelé Belgique et divisée en cités : Tarvanna (Thérouanne),
capitale des Morins, Bagacum (Bavay), capitale des Nerviens et Nemetacum (Arras,
où il existait déjà une occupation gauloise), capitale des Atrébates, sont
de construction romaine.
Le tracé des routes est si important qu'il marque encore certaines de nos infrastructures (les chaussées Brunehaut). Il s'oriente vers le littoral boulonnais, vers l'est et l'Italie. La vie reste essentiellement rurale, axée sur deux ressources : le blé et la laine. Si la christianisation est fragile, le latin élimine progressivement le celtique, sauf au nord. La prospérité se traduit par un développement démographique sensible, même si la hantise des invasions reste très présente.
Une région bilingue
Dès le IIIe siècle, des Francs (Germains venus de l'est), et des Alamans envahissent et pillent le territoire. Les dévastations sont si importantes qu'il faut recoloniser la région (prisonniers, chauques et frisons) et que les Romains, dépassés par l'ampleur des frontières de l'Empire, laissent les Francs s'installer, préférant s'en faire des alliés. Ainsi se fixe, le long de la Lys, une frontière linguistique séparant le dialecte germanique parlé par les Francs, qui deviendra le flamand, et la langue latine dont naîtra le français.
La région est également fortement touchée par la révolte des Bagaudes, groupement très lâches de paysans ruinés, de déserteurs et de barbares.
Dans le même temps, une partie du rivage très sensible aux invasions marines (jusque Saint-Omer et Montreuil-Sur-Mer) est abandonné aux pillards. Des Angles et des Saxons s'y installent, comme en témoignent quelques noms de villages et légendes sur le littoral : Sainte Godeleine, Wierre-Effroy, Quentovic (aujourd'hui nommé Etaples), ...
Les nouveaux envahisseurs
Au début du IVe siècle, avec l'aides des Francs installés (fédérés), la tranquillité est restaurée dans la région pour une cinquantaine d'années. Les villes, places fortes stratégiques et administratives, ne peuvent se développer vraiment tandis que les grands établissements ruraux se transforment en agglomérations dynamiques. Mais les invasions constituent encore un frein au développement : les Huns, par exemple, assiègent Bavay en 358.
Au début du Ve siècle, une formidable succession d'envahisseurs balaie romanité et christianisme : Anglo-Saxons, Vandales, Hasdingues, Suèves, Alains... et Francs. L'un d'eux, Clovis, roitelet ambitieux, s'élance de Tournai pour réaliser la conquête presque totale de la Gaule, tandis que l'Empire romain d'Occident achève de s'effondrer (476).
La pacification franque est achevée en 486 à partir des territoires du Nord.
La lente émergence
Ce sont les pays de Tournai, Cambrai, Arras et de Vermand qui fournissent leurs principaux revenus domaniaux aux dynasties franque, mérovingienne et carolingienne. La région est donc un des éléments les mieux tenus par l'autorité en place. Le territoire reste bilingue, roman et germanique. Si la christianisation est très lente, elle finit par fleurir : le VIIe siècle sera une espèce d'âge d'or pour les monastères missionnaires. C'est dans ces sanctuaires que se développent l'art et la culture.
Vers les VIIIe et IXe siècles, les pays bas flamands s'éveillent à leur tour. Des centres commerciaux (portus) apparaissent : Valenciennes, Douai ou Saint-Omer. L'ancienne organisation territoriale de l'époque gauloise se retrouve souvent dans les circonscriptions ecclésiastiques.
La grande partition
En 843, le formidable empire de Charlemagne est divisé entre ses petits-fils lors du traité de Verdun. Désormais, le cours de l'Escaut sera une limite entre le domaine de France le domaine de Lotharingie qui sera englobé dans le Saint Empire Germanique. Cette division sera lourde de conséquences pour la région puisque le destin du Hainault et du Cambresis sera différent de celui d'Artois et de Flandre pour des siècles. Pourtant, les liens vassaliques de l'époque n'avaient ni la rigueur ni la pérennité des traités actuels. Les rois, les seigneurs ou les échevins s'accommoderont le plus souvent de situations complexes. Mariages royaux, diplomaties retorses, faits d'armes, alliances militaires, rien ne résistera longtemps au sens des affaires.
L'aménagement médiéval
Le transport des marchandises emprunte souvent les cours d'eau. La moindre dénivellation est un obstacle qui nécessite de passer d'un lieu à l'autre à la force humaine ou animale. Ces lieux de rupture de charge deviennent des agglomérations, qu'il faut défendre par des ouvrages militaires. C'est le cas de Lille, ancienne limite sud du vieux comté de Flandre, dont on trouve la première mention officielle en 1066. D'autres vieilles cités comme Valenciennes, Saint-Omer, Arras connaissent un nouvel essor. L'augmentation de la population implique d'immenses travaux d'aménagement destinés à dégager de la terre à cultiver : le marais de Saint-Omer (4 000 ha de mer boueuse) ; la forêt d'Arrouaise (sud Artois) totalement effacée ; les zones côtières et les vallées marécageuses, etc... Dans la marche-frontière s'étend de l'Escaut à la mer, l'autorité d'une lignée de comtes de Flandre s'organise. Les invasions vikings qui se succèdent à partir de 860 ravagent le territoire de façon ponctuelle. Elles ne bouleversent pas les structures locales alors que l'autorité royale ne cesse de régresser. Les seigneurs, véritables préfets au service du roi de France, deviennent les seuls recours de la Chrétienté et des cités contre la razzias normandes.
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La puissance de la Marche
n 884, le comté de Flandres est une principauté
quasi autonome. Le Hainault connaît des difficultés bien plus importantes pour
s'affirmer face à l'Empire tandis que le Cambresis devient une terre d'Eglise
où le pouvoir religieux absorbe le pouvoir comtal pour mieux servir la
Lotharingie. Le dynamisme démographique est la mesure du succès économique et
politique régional : en Artois, par exemple, la densité de population atteint
70 h/km². C'est sous Arnoul le Grand que la Flandre connaît son extension
territoriale maximale. Un recul progressif de la mer modifie l'ensemble du
littoral. Dès le XIIe siècle se constituent les wateringues, associations de
propriétaires chargées du dessèchement de la plaine maritime. Malgré le
climat politique violent et instable, l'essor économique et social est
éclatant dans la région. Arras est un centre économique et culturel de
première importance dans le monde chrétien. Une véritable explosion
démographique témoigne de la prospérité dont bénéficient toutes les
couches de la population. Très vite, les puissantes cités vont s'opposer aux
comtes pour l'obtention de privilèges communaux. Le roi de France en profite
pour intervenir dans les affaires d'un vassal aussi puissant : en 1214, la
Flandre est battue à Bouvines avec ses alliés anglo-impériaux et en 1223,
l'Artois, le Ternois et le Boulonnais sont incorporés au domaine royal.
La Flandre en 1180
La fragilité d'une frontière
Le XIIIe siècle témoigne pour la région d'un développement économique constant, mais villes et villages subissent l'effondrement d'un système de production et d'échanges archaïque. Les nobles s'appauvrissent, le début de leur effacement militaire prépare le rôle des milices communales. Les cités, qui ont acquis des privilèges considérables, parviennent à les maintenir au travers des crises militaires et politiques. Les beffrois fleurissent. Les bourgeois, jaloux de leur indépendance, resserrent leurs liens corporatifs et familiaux. La puissance omniprésente de l'Eglise se confirme par son rôle culturel et social. Dans le même temps, le Hainault, terre impériale parfois alliée, parfois ennemie de la Flandre, connaît un climat plus paisible propice à l'avènement de privilèges communaux.
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L'époque bourguignonne
1369 : le roi de France Charles V marie son frère Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, à la fille de Louis de Mâle, comte de Flandre. Par les hasards des successions, Philippe le Hardi hérite en 1384 de la Flandre et de l'Artois. L'alliance anglo-flamande est rompue. Les territoires du Nord deviennent le fleuron de la maison de Bourgogne, à défaut d'un véritable âge d'or. En effet, les faits de guerre et désastres naturels sont toujours menaçants tandis que la mutation économique se poursuit, ruinant les uns et enrichissant les autres. La crise économique et démographique frappe l'ensemble de l'Europe du Nord-Ouest pendant des décennies pour atteindre son paroxisme vers 1420-1440.
1407 : la France se déchire entre Armagnacs (la maison d'Orléans) et Bourguignons. Le Nord est prêt à s'allier de nouveau à l'Angleterre, l'économie devient de plus en plus le véritable enjeu des campagnes militaires. L'armement lui-même évolue : Azincourt est en 1415 un nouveau désastre pour la noblesse française incapable de s'adapter aux nouvelles techniques de combat. La maison de Bourgogne s'étend encore : comté de Boulogne, puis du Hainaut. Le "Grand Duc d'Occident" peut alors rêver d'un nouvel empire du milieu, un nouveau découpage en bandes nord-sud de l'Europe dont il détiendrait le centre, l'ancienne Lotharingie.
1435 : Philippe le Bon, duc de Bourgogne, abandonne l'alliance anglaise en échange du Ponthieu. Mais, quatre ans plus tard, le commerce anglo-flamand reprend.
1461 : Charles le Téméraire, dernier duc de Bourgogne, affronte Louis XI. Artois et Picardie sont ravagés. La fin de la guerre de cent ans est enfin signée en 1475
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L'Empire
1477 : à la mort de Charles le Téméraire, Louis XI s'empresse de conquérir le Nord. Mais l'héritière de Bourgogne, Marie, épouse un Habsbourg, le futur empereur Maximilien d'Autriche. Le roi de France doit céder. La région se trouve exclue du domaine français pour deux siècles, sauf le Boulonnais qui reste attaché à la couronne royale et quatre places fortes en Artois. Devenue un simple pion sur l'échiquier européen, elle sera le théâtre forcé d'épisodes guerriers dévastateurs jusque 1713.
1519 : le petit-fils de Maximilien, Charles Quint, est sacré empereur. Pour s'opposer à ses ambitions, François Ier cherche l'alliance avec l'Angleterre au camp du drap d'or en 1520 : c'est un échec. Charles Quint poursuit ses conquêtes.
1548 : il baptise l'ensemble de ses propriétés du nord "Le cercle de Bourgogne" : ce sont les anciens Pays-Bas, qui s'étendent alors jusque Hainaut et Artois.
1553 : les français continuent d'opérer des coups de main sur les terres impériales depuis leurs places fortes d'Artois. Excédé, Charles Quint ordonne leur destruction totale : Thérouanne et Hesdin sont anéanties, leur sol est labouré et stérilisé.
1555 : Charles Quint abdique en faveur de son fils Philippe II qui devient souverain des Pays-Bas, de l'Espagne et de la Franche-Comté pour quarante ans. En 1558, Calais est reprise aux Anglais par les Français.
Durant toute cette période complexe, violente, les particularismes locaux hérités du Moyen Age restent vivaces et s'opposent à la volonté centralisatrice des monarques successifs. Aussi est-on "de chez soi", artésien ou flamand, et l'étranger commence dès le village voisin.
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La succession des Pays-Bas
lors que les structures sociales médiévales achèvent de se dissoudre et que les
cités s’endettent sous le poids de charges militaires et des diverses
fiscalités, le besoin d’entraide sociales est plus important que jamais. L’Eglise
offre alors le double visage de ses prélats, amis des puissants et de ses curés,
attentifs à la misère des villes et des campagnes. Tout est en place pour qu’au
XVIème siècle, les idées de Calvin et Luther se répandent avec force dans les
Pays-Bas, terre d’hérésies multiples. La Réforme, puis la Contre Réforme,
achèveront de couper le Nord-Pas-de-Calais du nord de l’Europe.
1566 : dans une région déjà favorable aux idées protestantes, la « furie iconoclaste » se déchaîne avec une rare violence. Flandre et Valenciennois sont profondément secoués.
1568 : les « gueux » (protestants) affrontent l’absolutisme de Philippe II, souverain trop espagnol pour comprendre les enjeux du Nord, et se rendent maîtres de la Hollande et de la Zélande.
1579 : par réaction, l’union d’Arras (catholique) se créé et s’oppose à celle d’Utrecht (protestante). C’est le début d’une guerre de 80 ans qui aboutira à la scission des Pays-Bas en 1648. L’œuvre de la maison de Bourgogne est définitivement ruinée et la région dévastée. Les Provinces Unies du Nord affirment leur domination commerciale et coloniale.
Les Pays-Bas espagnols
1598-1633 : une nouvelle aventure commence pour la région. Un mariage diplomatique la destine en dot aux archiducs espagnols, Albert et Isabelle. C’est une ère de prospérité et de paix qui bénéficie des libéralités d’un gouvernement très peu présent. Le Nord devient un véritable foyer pour les catholiques anglais persécutés. La Contre Réforme très active, voire oppressante, renforce le sentiment anti-français jugé hérétique et libertin. Richelieu pouvait dire des Artésiens qu’ils étaient « tous ennemis jurés des français et plus espagnols que les Castillans ».
L’annexion française
1635 : après ce bref répit pour la région, les règnes de Louis XIII et Louis XIV seront une nouvelle ère de près de 90 ans de durs combats, de sièges, de pillages, de dépeçages diplomatiques et de misère. Pour Mazarin, les Pays-Bas espagnols doivent former un « boulevard inexpugnable » à la ville de Paris, qu’on pourra alors appeler « le cœur de la France ». La région redevient frontière.
1662 : dans ce climat très dur fleurissent les jacqueries, les révoltes spontanées. Ainsi, dans le Boulonnais pourtant français depuis des siècles, une augmentation des taxes suffit à provoquer la colère des « Lustucrus ».
1688-1713 : la population régionale, française malgré elle, doit subir les assauts des Hollandais soucieux de reconquérir ce qu’ils considèrent comme leurs terres. Après plusieurs graves défaites, le « miracle » de Denain sauve la quasi totalité des acquis français. Le dernier traité qui concerne le tracé des frontières régionales sera celui d’Utrecht. Le Nord-Pas-de-Calais est quasiment dessiné selon une frontière complexe défavorable à ses intérêts économiques. Les habitants, d’abord hostiles, finissent par accepter leur nouvelle identité française qui ne cessera de s’affirmer au fil des épreuves guerrières et des épopées économiques.
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La Flandre en 1715
Le Nord de la France (1713-1815)
a première trace de l’intégration française est militaire : ce sont les
citadelles de Vauban qui ponctuent le fameux « pré carré ». Les industries,
définitivement privées de leurs débouchés naturels, traversent une période
difficile d’adaptation. Le roi, soucieux de passer outre les multiples
découpages des pouvoirs politiques, religieux ou judiciaires impose un premier
cadre administratif simplifié.
L’introduction de nouvelles techniques amène des progrès agricoles spectaculaires et si l’industrie textile est toujours si importante, le bassin minier commence sa fantastique aventure, assurant le développement parallèle de la métallurgie, Lille abrite alors la plus grande manufacture d’Europe de céramiques.
1788 : La prospérité économique retrouvée ne concerne le peuple des villes et des campagnes que de très loin. L’indigence reste si grande que la moindre variation de la conjoncture est un désastre, d’autant que la croissance démographique est importante. Aussi, après les disettes répétées depuis 1740, la crise alimentaire qui secoue le royaume en cette année pré-révolutionnaire est-elle très durement ressentie par la région.
1789 : La Révolution aura somme toute peu de répercussions sur le territoire régional. Si le zèle révolutionnaire s’est acharné sur les symboles de l’Eglise, détruisant de nombreux trésors artistiques, les biens du clergé seront eux vendus dans l’indifférence. La fin des privilèges et des immunités ruine de nombreuses cités, et la création de deux départements (1790), leur découpage comme le choix des préfectures, suscitent de graves querelles.
1792-1794 : par deux fois la région est envahie par une armée autrichienne. Le siège de Lille aboutira à sceller un sentiment patriotique enthousiaste. Les armées révolutionnaires libèrent le territoire et envahissent les provinces belges, qui seront françaises jusqu’en 1814.
1799 : Bonaparte est accueilli par la région écoeurée des errements de la Terreur et encore profondément rurale, ignorante, avide de paix. Très vite, les notables se chargent d’occuper les postes les plus importants de l’administration départementale.
1810 : le Blocus continental est une opportunité pour le Nord-Pas-de-Calais. Le décollage économique est assuré par le développement de l’industrie cotonnière, de la recherche minière et de la culture toute nouvelle de la betterave à sucre, qui remplace le sucre de canne. Pourtant, la conscription, le chômage et la misère attisent l’exaspération des populations contre Napoléon. En 1815, la région se soumet facilement à une armée d’occupation pour trois ans. En 1830, les provinces belges des Pays-Bas voisins se révoltent pour former un état souverain, la Belgique.
La première usine du pays (1815-1914)
La région s’impose comme la « première usine de France », expression née sous le règne de Louis-Philippe. La transformation du cadre de vie, des mentalités, des infrastructures est un bouleversement total, chargé de ses réussites et de ses drames. C’est sur ce terreau que germeront les grands problèmes non résolus de notre époque. Le succès économique global s’est renforcé grâce aux mesures de protectionnisme douanier, à l’importation de technologies de pointe depuis l’Angleterre et de main d’œuvre depuis la Belgique surpeuplée, à une bourgeoisie dynamique et à la richesse minière. De nombreuses industries comme les verreries et les papeteries fleurissent. Boulogne et Calais, tournées vers l’Angleterre, ont un destin différent du reste de la région : introduction de l’industrie du tulle à Calais en 1817, métallurgie à Marquise en 1830, etc... Les voies de communication s’améliorent considérablement (1846 : inauguration de la ligne de chemin de fer Paris-Lille). Le monde rural, bien que disparate, connaît des progrès importants de mise en valeur des sols puis, à partir de 1850, une véritable révolution agricole. La région est alors également la première « ferme de France ».
1848 : la crise économique qui chasse Louis-Philippe débouche sur l’espoir déçu d’une république sociale. Les clivages sont de plus en plus évidents : possédants et démunis, ruraux conservateurs et ouvriers socialistes, etc... Mais le Nord reste un « eldorado » pour les entrepreneurs ambitieux.
1850 : mise en exploitation du gisement houiller du Pas-de-Calais. Le bassin minier va prendre le visage qui est encore le sien aujourd’hui. D’autres villes prennent leur essor grâce à la concentration et à l’expansion du textile.
1860 : Le traité de libre-échange avec l’Angleterre mécontente les industriels ; des grèves secouent la région et pourtant, un an plus tard, la Bourse des valeurs de Lille est ouverte. Le négoce de laine prend sa dimension mondiale à partir de Roubaix et Tourcoing.
1870 : La guerre avec l’Allemagne ne cause guère de dégâts sur le territoire. Elle est un désastre national, mais une chance de plus pour la région puisque la perte de l’Alsace et de la Lorraine conforte le Nord-Pas-de-Calais dans son rôle économique.
A l’aube du XXème siècle, la région est au faîte de sa puissance. Mais les faiblesses qui la rongent apparaissent déjà : vie politique et structure sociale profondément déchirées, urbanisation archaïque ou anarchique, infrastructures hétérogènes et souvent insuffisantes, sous qualification, sous-développement scolaire, secteur tertiaire en retard.
Le socialisme prend fortement racine dès 1889 tandis que grèves et manifestations se multiplient (1er mai 1891 : fusillade de Fourmies). Si la région devient l’un des principaux bastions de la Gauche, c’est aussi dans ses villes que le catholicisme apprend à considérer le social autrement que sous l’angle de la charité.
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1914-1918 : une fois encore, la région est envahie. Pendant quatre ans, la population va devoir apprendre à vivre avec « le Front » et toutes ses horreurs, ses privations, ses angoisses, ou avec l’occupation, les brutalités, les pillages, les bombardements. Cette période noire décime les hommes dans la fleur de l’âge. Le territoire est sinistré : 400000 hectares sont à nettoyer dans le Nord et 152000 dans le Pas-de-Calais. La reconstruction s’engage difficilement mais sera dans l’ensemble réussie. Le déficit de la population est compensé par l’arrivée massives de migrants, en majorité belges et polonais. 1925 restera l’année record de l’arrivée d’étrangers dans le bassin minier : 224000 migrants !
1929 : la crise économique mondiale va frapper le colosse régional en chacune de ses faiblesses. C’est au tour des habitants du Nord-Pas-de-Calais de migrer, par milliers, jusqu’en 1936.
1936 : le Front populaire durcit évidemment le climat politique régional. Patrons et syndicats s’affrontent sans merci. Roger Salengro, victime d’une campagne calomnieuse dégradante, se suicide.
1940 : le début de la seconde guerre mondiale est une nouvelle épreuve pour la région. L’invasion allemande est si rapide qu’elle provoque une véritable psychose collective : c’est l’exode. Le réembarquement des soldats britanniques entraîne l’acharnement des bombardements sur le port de Dunkerque, quasiment rayé de la carte.
1940-1944 : le temps de la guerre sera celui de l’occupation hors de la juridiction française. Cette « zone interdite » rattachée à la Belgique devient un lieu de production industrielle massive adaptée aux besoins du IIIème Reich, et une zone stratégique de première importance : le Mur de l’Atlantique, aéroports militaires, bases de lancement des V1, puis des V2, etc... Si les destructions dues aux sabotages des résistants et aux bombardements des Alliés ne sont que ponctuelles, elles scellent néanmoins un sentiment d’unité face à l’envahisseur, entre les différentes sensibilités de la Résistance.
1944 : dès que s’annonce la reconstruction, les Houillères sont nationalisées, pour favoriser la bataille du charbon. La sidérurgie est restructurée (1948 : constitution d’Usinor). L’amélioration des infrastructures, la reconstruction des villes et l’accroissement démographique contribuent à assurer le redémarrage.
1960 : la période de prospérité cache mal les faiblesses de l’économie régionale. Progressivement, une prise de conscience s’opère et débouche sur la nécessité de d’un processus de modernisation vigoureux : autoroute Lille-Paris à partir de 1954, Usinor-Dunkerque (1962), Française de Mécanique à Douvrin (1968), Renault Douai (1971).
1973 : les chocs pétroliers et la crise économique dans laquelle le monde s’enlise ravagent les zones industrielles vieillies. Des pans entiers de l’économie traditionnelle s’effondrent, révélant les fragilités et les archaïsmes de l’appareil de production et des conditions de vie.
1982 : les lois de décentralisation accroissent sensiblement les pouvoirs des collectivités locales françaises. C’est un nouvel espoir dont les limites apparaissent rapidement face au désengagement de l’Etat et à l’ampleur des problèmes à affronter.
1994 : une série extraordinaire de grands travaux aboutit à la mise en exploitation du TGV Nord-Europe, d’Eurostar, de Thalys et du tunnel sous la Manche. Dans le même temps, les dynamismes locaux se structurent pour créer les conditions d’un développement maîtrisé. Lentement, la région oublie son rôle de frontière stratégique et efface les cicatrices profondes de l’industrialisation forcenée.
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