Un peu d'histoire...

n 1084, le corps de Sainte-Ortrude fut découvert sur son territoire. C'est en l'an 1119 que nous rencontrons pour la première fois le nom de Landrethun, sous la forme Landringhetum, tout-à-fait semblable à celle de son consimilaire de la plaine d'Ardres. Le mot signifie dans la langue anglo-saxonne " l'enclos de Landry père et fils ". On ne tarda pas à le contracter en Landretum, déjà employé en 1157 pour désigner le même lieu, à propos du patronage de l'église, qui appartenait au chapitre de Thérouanne. En la même année, Baudouin de Landretum donné, à l'abbaye de Beaulieu, une rente de trois sous six deniers.

Ce village dépendait anciennement du vaste domaine de la maison de Fiennes, qui en possédait la dîme, comme la plupart des seigneurs laïques le faisaient, sur leurs terres. Quand Ingelram de Fiennes se disposa à partir pour la Croisade, en 1189 ou 1190, il vendit la dîme de Landrethun-le-Nord (Landertun juxta Fielnes) à l'abbaye d'Andres, qui la paya 70 marcs d'argent, c'est à dire 3.500 francs, valeur métallique. Cette opération, approuvée par une charte de la comtesse Ide de Boulogne, dans le fief de qui se trouvait la dîme de Landrethun, et conséquemment, le village lui-même, fut confirmée par une charte de l'évêque Didier de Thérouanne, conservée dans la chronique d'Andres. Le commentaire dont l'abbé Guillaume accompagne ces deux actes nous fait connaître qu'Ingelram de Fiennes avait acheté autrefois cette dîme à Baudouin de Lo, son homme, et que s'il la vendait cette fois à l'église c'était pour accomplir son vœu de prendre la croix, chose pour laquelle il avait déjà amassé une grande somme d'or et d'argent. Ces expéditions coûtaient cher aux nobles seigneurs, qui y faisaient à peu près tous, la guerre à leurs dépens. Mais que la possession de la chose vendue était précaire à cette époque ! Malgré les confirmations dont elle avait été l'objet de la part des autorités civile, et religieuses; malgré le consentement donné par Raoul de Fiennes. à la cession faite par son frère Ingelram, la jouissance de la dîme de Landrethun fut contestée à l'abbaye d'Andres, par un certain Henri Malerbe, qui n'y avait aucun droit, par Guillaume. de Fiennes, fils d'Ingelram, et enfin par Baudouin Palmarius qui en réclamait une partie, en vertu d'un degré quelconque de parenté avec le donateur. L'affaire s'arrangea à l'amiable, au moyen de l'intervention de l'évêque Lambert de Thérouanne, qui obtint en 1200 le désistement d'Henri Malerbe, et au prix d'une somme de treize livres parisis payée au dernier réclamant en avril 1215.

Le village de Landrethun-le-Nord a été ravagé, par les Anglais, à la suite de leur expédition d'Audinghen, au mois de février 1544.

Au mois de juillet 1667, la terre de Landrethun fut érigée en baronnie par Louis XIV, en faveur de Daniel de Fresnoy, seigneur de Moyecques,en récompense de ses services militaires, par lettres données à Compiègne et enregistrées en la sénéchaussée de Boulogne, le 3 octobre 1671.

Compris dans le Boulonnais jusqu’à la Révolution, le village dépendait du doyenné de Wissant au point de vue religieux. La Révolution le plaça dans celui d’Hardinghem de 1790 à 1801, district de Boulogne, et la réorganisation Consulaire dans celui de Marquise.

L’église Saint Martin, monument irrégulier qui présentait quelques vestiges de l'architecture ogivale du XVII° siècle, a disparu dans les bombardements Alliés de 1944. Elle était dans le doyenné de Wissant, avec Caffiers pour annexe. Elle était un but de pèlerinage. On y allait invoquer St. Fiacre, pour obtenir, par son intercession, la guérison des enfants malades.

Un de ses curés au XVIII° siècle, Nicolas Lefebvre, qui était de Boulogne et docteur en théologie, fut vicaire de Saint-Louis-en-l'Ile, et bénéficier de Notre-Dame de Paris. Pourvu de la cure de Landrethun le 17 août 1703, il la résigna en 1710, après avoir obtenu un canonicat titulaire dans la cathédrale de Boulogne (29 novembre 1708).

On garde encore avec reconnaissance le souvenir d'Antoine Calais, d'Audembert, dernier curé de Landrethun avant la Révolution. C'était un intrépide missionnaire qui, pendant cette époque néfaste, parcourut tout le pays, de ferme en ferme, sous divers déguisements, pour procurer les consolations de la religion aux fidèles qui manquaient de prêtres. Il est mort à Rinxent, au mois de septembre 1818.

La village de Landrethun-le-Nord, dans le bailliage de Londefort, envoya comme représentants à Boulogne, pour les élections de 1789, les sieurs Lonquéty de la Routtière et Coze. Il avait alors 60 feux.

On voit, dans une lande stérile, au sud du village, au lieu-dit " les Noces ", sur les confins de la commune de Ferques, de gros blocs grisâtres. Certains voient dans ces affleurements dolomitiques un ancien monument mégalithique de l'époque Celtique, le seul de ce genre qui existe dans le Boulonnais. C'est une réunion de pierres debout, dont quelques-unes paraissent être des roches dénudées, restées en place, mais dont les principales, au nombre de trois, sont fichées en terre dans une position verticale. Ce fait, qui avait pu être mis en doute, a été constaté par M. Louis Cousin et par M. Boulangé, ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées,. au moyen de sondages réguliers qui doivent inspirer toute confiance. Ce Cromlech dont plusieurs pierres ont été regrettablement mutilées, porte dans le pays le nom de La Danse des Neuches  auquel se rattache une superstition populaire qui fortifie l'opinion qui attribue à la Danse des Neuches le caractère d'un monument druidique ; et on croit confirmer encore cette opinion par le nom d'un ruisseau qui coule non loin de là et qui porte le nom de Les Bardes ou Hallébardes. Ainsi se sont perpétués jusqu’à nous, en certains endroits, les traces du paganisme.

Les hameaux de Landrethun :

 

Les neuches (Etaient ce des rochers ? étaient ce des fantômes ? Victor Hugo)

C'était a Mimoyecque en pays boulonnois.

C'était au temps passé, du temps de nos bons rois

Je ne sais sous lequel. Le temps passé, c'est vague !

C'est le temps du rouet et le temps de la dague ;

C'est le temps imprécis de tous les contes bleus,

Le temps bénévolent, propice aux amoureux.

II est vrai que depuis l'Eden ce temps là dure

Et qu'il ne cessera que si par aventure,

Tous les avrils étaient abolis... tous les chants

Des buissons, supprimés... tous les soleils couchants

Eteints .. tous les lilas fanés... toutes les roses

S'effeuillant sur le sol... tous les amants moroses..

Mais jeunesse et printemps, grâce à Dieu, sont vivants.

Or donc, à cette époque, avec des voeux fervents

Un beau couple s'était promis le mariage.

La noce fut fixée en Juin. Dans le village

Ce fut un concours d'apprêts inusités

On tua porc et veau, on hacha des pâtés

On pluma sans répit des volailles dodues

Et le four rutilait à des heures indues

Que de tartes aussi ! que de gâteaux battus.

Ou ne savait où les poser... sur les bahuts,

Sur les coffres, les lits, les tonneaux, fraîche enceinte

Du cidre impatient de mousser dans les pintes.

Il y moussa si bien, qu'à la Fin du banquet

leurs têtes se trouvaient chaudes sous le bonnet.

Chose prévue après tant d'heures de frairie.

La noce s'en alla danser dans la prairie.

En tête du cortège un gai violoneux

Allait en sautillant faisant voler les neuds

Dont s'ornait son chapeau comme un jour de milice

Puis les filles d'honneur dont les yeux en coulisse

Répondaient aux lazzis des garçons. Important,

Faisant valoir son torse au gilet éclatant

Le marié menait sa souriante épouse.

Suivaient tous les parents par couple. Ils étaient douze

Non moins émoustillés que les plus jeunes gens

Mais dans un sens inverse allait en même temps

Un cortège tout autre et bien plus beau. Bannières,

Brancards fleuris portant saints de bois, reliquaires,

Jeunes filles en blanc, clercs en raides surplis,

Doux enfants effeuillant des bouquets frais cueillis,

Acolytes ravis d'être en soutanes rouges,

Puis sous un dais de pourpre aux franges d'or qui bougent

Semant sur son passage un éblouissement,

Un vieux prêtre portait le Très-Saint-Sacrement.

La foule le suivait en chantant un cantique.

Tout à coup les accents d'une étrange musique

Semèrent des flonflons au coude du chemin.

Le chantre enfla sa voix, s'époumonant en vain

Pour imposer silence au coup d'archet profane,

Le Suisse s'avança faisant avec sa canne

Des signes répétés. Rien n'y rit. Le violon

Chantonna de plus belle, et les couples en rond

Tournoyaient sur la route avec irrévérence,

- "  Alignez-vous, danseurs, voici Dieu qui s'avance "

- "  La route est à chacun, bedeau, nous y dansons ;

Retourne en ton église où nos folles chansons

Ne viendront pas troubler l'hymne de tes dévotes. "

- " Tous à genoux vous dis-je. "

- "  En avant, la gavotte ! "

Un nuage de fleurs tombant des petits doigts,

Un nuage d'encens qui monte. . on aperçoit

La blancheur d'une hostie en l'ombre des crépines

Le Seigneur roi de l'univers passe !

Aubépines,

Genêts qui bordez les talus; petits oiseaux

Qui voletez en gazouillant aux arbrisseaux ;

Parmi l'espace bleu sarabande d'insectes

Chacun à sa façon joue, adore et respecte

le Créateur du monde. Il n'en fut pas ainsi

Des êtres de raison, gens de la noces aussi

leur danse, tout à coup, s'immobilise en pierre.

L'outrage au ciel était vengé.

Quel cimetière

Sinistre et saisissant que ce bal de rochers

les danseurs châtiés ne purent détacher

Du sol de ce chemin leurs pieds lourds de statues.

Quand la lune soudain, de sa corne pointue

Troue un pan de la nuit, ses obliques regards

Feront de chaque stèle un fantôme blafard.

Le passant qui s'attarde à cette heure insolite

S'enfuit en se signant loin de ces dolomites

Des colères de Dieu, lapidaires témoins.

Les pierres sont un livre où l'histoire a pris soin

De nous fixer des traits... fugitives légendes

Qu'au coin de l'âtre. aux vieux les enfants redemandent.

Ne mutilez jamais le marbre ou les rochers,

Du livre ils sembleraient des feuillets arrachés.

Souvenirs du pays qu'une ruine enferme,

Vestiges d'abbaye oubliés à la ferme,

Un portail ogival, de gothiques arceaux,

Une croix mémorant un duel, des créneaux,

Dans un pavé d'étable une pierre tombale...

Ces débris sont nommés dans nos vieilles annales.

La pierre où l'on tailla merlettes et besants

Est encore au fronton du manoir paysan

Le chien de grès moussu, gisant brisé dans l'herbe,

A gardé les piliers d'une grille superbe

L'auberge du relais de poste a disparu

Mais on y voit encore en un vase ventru

Le Vert-giniau sculpté qui lui servait d'enseigne.

L'âme des jours passés dans les pierres s'imprègne

Interrogez-la donc. L'évoquer est un art.

Questionnez des tours, des voûtes, des remparts.

Faites raconter à la borne, à la margelle

Les on dît du terroir. Aux niches des chapelles

Demandez la légende. Des dalles de granit

Cherchez le sens naïf de bizarres écrits

Et comptez sur les seuils arrondis en corbeilles

Les pas des bienvenus aux simples maisons vieilles.